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23 mai 2014 5 23 /05 /mai /2014 02:47

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Bienvenue dans cette première critique de roman issu d'un jeu de rôle (papier) de la série World of Darkness, jeux de rôles édités par White Wolf Publishing. En quelques mots, ils décrivent un monde semblable au nôtre, quoi qu'à l'ambience un peu plus sombre (ne traînez pas dans les rues la nuit), mais où une grande majorité de ce qui ne sont pour nous que des mythes, comme les vampires, les loup-garous, les êtres féeriques, les fantômes ou les sorciers existent, sans que les humains ne soient au courant. Chacune de ces races est divisée en clans, tribus ou autre, et se font souvent la guerre, que ce soit entre races ou entre clans. C'est compliqué et très riche, ce qui m'a d'ailleurs amené à me plonger dans cet univers qui est probablement le plus riche des univers où cohabitent tous ces êtres, puisque chaque race est au centre d'un jeu de rôle à part entière. Chaque civilisation est donc décrite en long et en large dans des dizaines de livres de règles dont la longueur varie d'une quarantaine de pages à plusieurs centaines. Vous aurez un rapide aperçu de cette richesse dans l'avant-propos à venir où je vous dirai quelques mots de la "race" qui nous intéresse dans ce roman, les "wraiths", autrement dit les fantômes.

 

Infos: "Beyond the shroud" est donc un roman, ancré dans l'univers du jeu de rôle "Wraith: the oblivion", lui même faisant partie de ce qu'on appelle "World of Darkness" (WoD pour les intimes). Ce roman, écrit par Rick Hautala et publié en 1997, s'étend sur 295 pages, et si l'univers vous plaît, vous trouverez "Beyond the shroud" dans l'anthologie "The quintessential world of darkness" accompagné de quatre autres récits, chacun centré sur un jeu différent de WoD. Petite info: si je ne m'abuse, on ne trouve ce roman qu'en anglais. Et n'ayant parcouru le livre de règles (trouvable en français par contre) qu'en anglais, je vais visiblement abuser de termes anglais durant cette critique. Vous êtes prévenus.

 

Avant-propos: Ce sera court je pense, car ce roman n'explore qu'une infime parcelle de "Wraith: the oblivion". Dans ce monde, pour certains êtres humains la mort n'est pas vraiment la fin de l'expérience terrestre. Leur "âme" passe dans les "shadowlands", un monde parrallèle ancré à celui des vivants, à ceci près que tout est terne et qu'ils voient la plupart des êtres et des édifices appartenant au monde des vivants d'une bien différente manière: les bâtiments sont en décrépitude, les voitures cabossées, les gens paraissent à l'article de la mort (en fait, plus la "mort" des objets et des personnes est proche, plus ils les voient comme si la fin était déjà arrivée). Précisons également qu'il est très difficile d'intéragir avec ce monde du vivant et que les sens des wraiths sont très diminués: il n'ont plus de toucher ou d'odorat, ils entendent les sons de façon dérangeante (souvent ils n'entendent pas ce qui est important et son assourdis par une simple averse). A cela s'ajoute le fait que chaque wraith abrite en lui une "ombre" (bon pour le coup j'ai traduit le "shadow" d'origine, mais je suis presque sûr d'être bien tombé) qui les attire autant que faire ce peu du côté obscur de la mort... vers la re-mort en fait, vers "l'oblivion", une éternité de souffrance dont on ne peut s'échapper et qui transforme le wraith en "spectre", un être assoifé de violence qui ne cherche qu'a provoquer le malheur autour de lui, pour les vivants comme pour les wraiths en les attirant aussi dans l'oblivion. Et pour finir, les wraiths sont loin d'être de bons samaritains les uns avec les autres: pour preuve, l'équivalent wraith de notre argent est le wraith lui même, que ce soit sous forme d'esclave ou "simplement" pour faire "fondre" son âme et le transformer en objets, notamment les fameuses "chaînes de Stygia" qui font souffrir tout wraith entravé au point de lentement le rendre fou et de lui ôter toute force de se rebeller. Comme vous le voyez c'est pas tout rose et les nouveaux arrivants sont souvent la proie des plus anciens qui fondent sur eux dès leur arrivée. À titre informatif je préciserais que les Shadowlands (la version terne de la Terre) est loin d'être la seule contrée habitée par les wraiths qui occupent en fait tout l'Underworld, un énorme territoire allant de Stygia, leur capitale, jusqu'aux Far Shores, de nombreuses contrées contenant selon la légende toutes les différentes versions du Paradis et des Enfers que les humains ont imaginé, tous ces lieux étant séparés par une chaotique Tempête d'énergie abritant les spectres (entre autres) et plongeant dans l'oblivion le wraith qui aurait la bêtise d'y entrer. Il y aurait encore beaucoup à en dire, notamment sur la "politique" de la societé wraith ou sur les différents courants de pensée, mais cela devrait suffire pour l'histoire de "Beyond the shroud".

 

Résumé: David vient de mourir. Il découvre rapidement quelques particularités des Shadowlands que j'ai mentionné précédemment. En effet il fait partie de ces quelques humains dont l'âme reste ancrée à la Terre car elle y garde des attaches, dans son cas, son ex-femme Sarah. C'est en rendant une petite visite de courtoisie à la demoiselle qu'il s'apercevra du danger qui la menace, à savoir un tout nouveau petit ami qui cache un couteau intringuant parmi ses affaires et qui a l'air d'envisager de s'en servir dès que l'occasion se présentera. Et en effet, ce n'est pas n'importe quel couteau puisque c'est l'une des trois lames qui servit à Jack l'éventreur pour commettre ses meurtres, faisant de cette arme une "relique", un objet au pouvoir terrifiant, pour les humains comme pour les wraiths. Ainsi David luttera à la fois contre le petit ami, mais aussi contre les wraiths qui voudraient s'emparer aussi du couteau (et n'en ont rien à faire que Sarah en soit la prochaine victime), tout en se démenant pour ne pas sombrer dans l'oblivion vers lequel son ombre cherche à le faire sombrer durant tout le roman. Et comme si cela ne suffisait pas, sachez que la fille unique de David et Sarah a succombé à un accident cinq ans avant cette histoire, durant sa neuvième année. Dans une histoire de fantômes, ça peut tout a fait compliquer les choses, vous en conviendrez...

 

Personnages

Deux personnages principaux donc, David et Sarah, dont on suivra les pérégrinations à tour de rôle, chaque changement de point de vue étant signalé par un symbole récurent découpant les chapitres.

David, pour commencer, est plutôt réussi. Il doute souvent, sur sa mort pour commencer, puis sur sa capacité à mener sa quête à bien. Il frôle l'oblivion plusieurs fois, plongeant dans le puits de ténèbres qui s'ouvre dans son "corpus" de wraith, mais il ne manque pas de qualités non plus. Quand il devra faire preuve de courage, voire de témérité puisqu'il s'oppose à des forces qu'il ne comprend pas toujours, il sera là pour jouer son rôle de héros. Peut-être un peu trop hésitant et pas assez sûr de lui (après tout, il réussit en général ce qu'il entreprend, mais il continue à douter énormément tout au long du livre), on lui excusera facilement ce défaut puisque le livre de règles nous explique que l'ombre de chaque wraith, un "personnage" à part entière (bien que désincarné), est responsable de ce lent lavage de cerveau en vue d'amener son hôte vers l'oblivion.

Sarah est tout aussi agréable. Cette femme fait preuve d'une force de caractère incroyable: n'ayant toujours pas fait le deuil de sa fille unique après cinq ans, la mort de son ex-mari (ils sont divorcés depuis six mois lorsqu'il meurt) ravive cette douleuret cette fois sans un mari sur l'épaule de qui verser ses larmes. Et elle en verse des larmes: elle pleure énormément mais trouve toujours la force de continuer, de se lever, d'aller au travail, de sortir. Et quand les choses commenceront à devenir étranges avec le petit ami armé de la relique, elle trouvera encore une fois la force de se potéger. Une belle illustration de la métaphore du roseau qui plie mais jamais ne se rompt.

Bien sûr d'autres personnages parsèment le récit, mais je me contenterai de citer Tony, le petit ami en question. Ce n'est pas un mauvais bougre à l'origine, mais il a eu la malchance de tomber sur le mauvais couteau dans une ruelle. C'est ce couteau qui prend petit à petit possession de son âme, et suivre cette évolution est parfaitement plaisant: il commence par ressentir envers lui une obsession qu'il essaye de rationnaliser, sans grand succès, puis tombe dans le déni de cette "folie" qui s'empare peu à peu de lui, avant de sombrer dans une folie meurtrière pure et dure à la fin.

Des personnages peu nombreux mais bien travaillé et qui explorent chacun un ou plusieurs aspects de la psyché humaine de fort belle manière, surtout que la folie ou le deuil ne font pas partie des sujets les plus courants dans les romans fantastiques, du moins dans ceux que je lis. 4/5 pour les personnages, une très bonne note nuancée par le fait que David pourrait quand même prendre confiance en lui au bout d'un moment (il doute vraiment jusqu'à la fin malgré ses réussites) et que Sarah pleure quand même trop, même si l'histoire s'y prête. Moi ça me bloque un peu niveau empathie avec les personnages. Mais rien de grave.

 

Histoire

Pour commencer, cette histoire est parfaite pour entrer dans le monde du jeu "Wraith: the oblivion". David devient un wraith dans le premier chapitre et on suit avec lui sa découverte progressive de ce que sont les wraiths et les shadowlands. Les interrogations qui sont les siennes sont sûrement les mêmes que celles qu'auraient eu les lecteurs, et les réponses qu'il y trouve lève peu à peu le voile sur cet univers qui, pourtant, reste un mystère jusqu'à la fin.

Pour celui qui connaît un peu le jeu de rôle, l'introduction d'un couteau de Jack l'éventreur est un plaisir tant on imagine qu'il y a là, effectivement, une relique aux pouvoirs assez importants pour que certains wraiths fassent tout pour l'acquérir. Et pourtant, au milieu de tout ça, on a David, un wraith qui ne connait rien à tout ça et qui cherche désespérément à protéger son ex-femme.

Pour finir, n'oublions pas le thème central de cette histoire: la mort, un sujet risqué je pense. Pourtant, on se passionne pour le deuil qui accable Sarah d'un côté (le deuil de son ex-mari mais surtout de sa fille, qui est vraiment décrit avec brio) et la découverte de ce que David trouve après la mort de l'autre côté. À noter que le deuil n'est pas absent de l'esprit de David puisqu'évidemment, se retrouvant dans ce qu'il considère comme "le monde des morts", il repensera également à sa fille, décédée dans ses bras cinq années plus tôt (on notera que je ne spoil pas une possible rencotnre entre eux, à vous de le découvrir)

Donc un sujet casse-gueule, bien maîtrisé, avec des éléments de fantastique pur qui sont découverts, ou plutôt compris, par le lecteur à mesure que David les comprend. 4/5 à nouveau, en sanctionnant l'abscence de toute la partie de l'Underworld qui est déconnectée du monde des vivants et qui est, croyez-moi, encore plus intéressante que les shadowlands. Mais bon, le roman ne fait que 300 pages, et pour un récit se limitant aux shadowlands, l'histoire reste une vraie réussite.

 

Style

J'ai trois points précis à mentionner sur le style alors allons-y:

Tout d'abord l'aspect "pathos" est parfaitement maîtrisé: ce qui est censé être triste ou émouvant l'est vraiment. Rien de pire, je pense, que de lire un truc censé chagriner le lecteur mais ne parvenant pas à éveiller la moindre étincelle d'empathie. Ici ça fonctionne, on lit les longs paragraphes durant lesquels les héros se lamentent sans jamais chercher à sauter un mot, et je crois que c'est la caractéristique principale d'un écrit de qualité. D'autant plus qu'ici il valait mieux réussir à rendre un écrit de cette qualité pour transcrire ce que sont probablement les plus grandes sources de désespoir que l'humain puisse connaître, à savoir la perte d'un enfant et d'un être aimé. J'irai jusqu'à dire que par deux fois la lecture de ce roman a provoqué la montée d'un sanglot dans ma gorge de lecteur au coeur de pierre, ce qui n'est pas exceptionnel mais assez rare pour être souligné.

Ensuite l'aspect fantastique est aussi une réussite: la Tempête d'énergie entourant les shadowlands, l'apparence monstrueuse de certaines rencontres ou le rayonnement étrange que produit le couteau dans les shadowlands sont autant de descriptions surréalistes que l'auteur parvient à réaliser, encore et encore, sans jamais lasser son lecteur et en y apportant les touches d'inconnu qui laissent un doute au lecteur sur la façon dont LUI aurait vu les choses. En effet, les sens et surtout la vue sont assez travaillés dans cet univers et il y a fort à parier que dans les ténèbres de la capuche du Ferryman (un autre personnage) ou dans le chaos d'énergie de la tempête, chacun verrait des choses bien différentes... Il en est de même pour les sons, et lorsque David entend un hurlement troublant à quelques rues de lui, il y distingue plusieurs sons différents, mais le sentiment qu'il ressent nous laisse imaginer lequel de ces différents sons évoquerait ce sentiment en nous... Je suis obscur dans ma description, je le sens bien, mais les sens sont différents et bizarres pour les wraiths et le roman retranscrit ceci à merveille, ce n'est pas ma faute.

Finalement un point négatif: de nombreuses répétitions dans l'utilisation de la langue, souvent de façon trop proches pour que ce soit le fruit du hasard. Un exemple parmi tant d'autres: quand David essaye de parler à Sarah pour la vingtième fois, je ne juge pas nécessaire de préciser au lecteur, pour la vingtième fois aussi, que David sait que la demoiselle ne l'entendra pas. Moi ça m'a gêné. Il y a sans doute une raison, peut-être le fait que dans les shadowlands les wraiths reproduisent les mêmes actions pour l'éternité, ou peut-être pour souligner les rares fois ou les choses se passent différemment (David qui parvient ENFIN à pleurer), mais moi ça m'a vraiment sauté aux yeux et ça m'a apporté un peu de déplaisir.

Donc deux points positifs et un point négatif, on fait la moyenne et on obtient... 3,3, que j'arrondis à 3/5 car dans un roman, si l'on considère les qualités comme "normales" les défauts en revanche sont parfois très dérangeants, surtout pour le style.

 

D'un point de vue subjectif

Une lecture très agréable, sur un sujet auquel je n'ai pas l'habitude et que je n'aurais pas imaginé m'intéresser autant. Parfois, c'est en fait à la limite de la littérature blanche (opposée aux littératures de l'imaginaire) tant les paragraphes sur le deuil sont nombreux et exempts de tout aspect fantastique, mais ils n'en sont pas moins prenants. C'est d'ailleurs ce que j'aime dans l'univers de WoD: un univers très fantastique mais à la fois très ancré dans celui bien réel dans lequel nous vivons. Et ce roman en est un parfait exemple, avec Sarah qui jusqu'à la fin ne saura rien de la lutte auquel se livre David dans l'ombre durant tout le récit. Le tout est porté par une écriture qui sied à merveille à cet univers: mystérieuse et angoissante, mais parfois précise et directe. Il y a vraiment une dychotomie réelle entre le monde réel de Sarah et les shadowlands de David, qui se répercute dans les évènements et dans l'écriture. Je préciserais aussi qu'au-delà de son thème pour le moins adulte, les évènements ne le sont pas moins et il ne s'agit pas là d'une "histoire de fantômes" à mettre entre toutes les mains: le récit est empreint de violence, de cruauté, de naufrage dans la folie etc... L'univers de World of Darkness est comme ça à la base, mais il convenait de le préciser, on ne sait jamais. Bref j'ai assez aimé pour mettre 4.5/5 et si le roman s'était étendu sur plus de pages, je suis sûr que tous les ajouts auraient été aussi intéressants à suivre que les 300 premières.

 

Une note finale de 15.5/20 donc. Une note qui, encore une fois, me convient parfaitement (je deviens vraiment fier de mon barême à force de n'être jamais déçu des notes finales) pour un récit vraiment agréable à parcourir bien qu'avec un style souffrant d'un défaut récurent et un thème qui, à la base, n'éveille pas en moi une folle envie de me jeter à corps perdu dans une telle lecture. En bref, je conseille grandement si vous souhaitez une lecture sombre et empreinte de fantastique sur la mort, et que vous n'avez pas peur de la violence et des longs paragraphes sur le chagrin que la perte d'un enfant peut apporter.

 

Les + : l'univers fantastique de "Wraith: the oblivion" utilisé avec talent; une description réussie d'un deuil immense; une histoire prenante mettant en jeu des personnages auxquels on s'attache vraiment; une écriture très sombre alternant à merveille vivacité et longues descriptions du ressenti des personnages; certains passages vraiment émouvants

 

Les - : les nombreuses répétitions volontaires de l'auteur; le fait que le reste de l'Underworld ne fasse pas du tout partie de ce récit; on s'attache aux personnages mais ils nous agacent parfois à trop pleurer ou trop douter, même si les deux situations sont parfaitement légitimes

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